Cette directive entend supprimer les obstacles mis par les Etats à la libre circulation des services. Ce qui veut dire ? Qu’un architecte portugais pourra bosser librement à Prague. Après révision, un texte définitif est proposé le 4 avril 2006.
Le 13 janvier 2004, la Commission européenne pond un projet de directive. Il l’appelle directive Bolkestein, du nom d’un libéral néerlandais (Frits, de son prénom, cf. photo), ancien commissaire européen au Marché intérieur, et qui l’a présentée en premier.
- · Sur le statut des salariés :
Ce principe implique qu’un prestataire de service devra suivre la législation de son pays d’origine. Ca veut dire quoi ? Qu’un consultant français qui bosserait en Grèce aurait des droits (salaires, congés, etc) français. A contrario, cela veut dire aussi qu’un plombier polonais (le fameux du temps du « non » à la constitution européenne ) pourra bosser en France à un salaire polonais… tirant a fortiori les salaires vers le bas. Le dumping social. La hantise des français.
SAUF QUE, dans la proposition Bolkestein, le prestataire ne devait respecte les normes de son pays d’origine qu’en cas de prestation de services temporaires (moins de 8 jours !). Et cette règle ne s’appliquait qu’aux régions transfrontalières.
En cas d'établissement plus long, ou définitif, le prestataire devait respecter les lois du pays de destination.
- · Sur la qualité des services :
Selon le PPO, c’est le pays d’origine qui veille à ce que les modalités légales concernant l'existence du prestataire de service (diplômes, brevets et immatriculation, par exemple) soient respectées, et qui assurent les contrôles.
Cela signifie qu’une société ou un particulier agréé par un pays de l'Union doit l’être aussi par tous les autres États membres - il ne peut y avoir de discrimination.
Ca aussi, ça fait très peur : imaginez-vous vous faire soigner les dents par un dentiste, euh, disons letton (personnellement, je n’ai rien contre les dentistes lettons).
Le principal point de controverse relève de la distinction entre les services d'intérêt général (devant être exclus : administration publique ou enseignement public) et les services d'intérêt économique général (couverts par la proposition de la Commission : services de santé, services sociaux, services postaux et services d’approvisionnement en eau, en gaz et en électricité). Deux options sont envisagées : un champ d'application très large (50% des activités économiques de l'UE selon la Commission) avec des dérogations plus nombreuses ou un champ plus réduit sans dérogations.
La version finale est … consensuelle : un champ d’application restreint, et de multiples dérogations.
L’Europe fonctionne un peu comme un Etat : La Commission Européenne – qui est l’équivalent de nos gouvernements – fait une proposition de « loi » , de directive. Dans les trois-quarts des cas, sous la procédure dite de codécision, celle-ci doit maintenant être agréée par la chambre des représentants des Etats-membres : le Parlement européen.
Ce dernier a voté son avis de première lecture sur le projet de directive Bolkestein le 16 février 2006. Cet avis prend la forme d'amendements apportés au texte de la proposition initiale, qui modifient profondément le texte. La Commission européenne a repris presque intégralement ces amendements dans une nouvelle proposition adoptée le 4 avril, et renommé la Directive au nom trop connoté « Directive Services ». C'est maintenant aux Etats membres au sein du Conseil de l'Union européenne de parvenir à une "position commune".
Car une directive a valeur contraignante pour les Etats-membres.
La directive est l’outil le plus répandu pour l’harmonisation européenne des législations nationales. Une directive émise par la commission européenne a valeur contraignante pour un Etat-membre : celui-ci dispose d’un délai pour le transposer dans sa propre législation. Chaque pays est libre de choisir la forme juridique que prendra cette contrainte (un décret gouvernemental, un loi votée par la chambre des représentants, une modification constitutionnelle, etc…), mais cette internalisation doit obligatoirement lui permettre d’atteindre les résultats escomptés (par exemple, dans les domaines de la lutte contre la contrefaçon, ou de l’environnement).
Une directive, dite « cadre », comme celle sur la libéralisation des services, indique un cadre juridique général à appliquer par les États membres, mais n'a pas la précision d'une loi - les détails des modalités d'applications sont laissés à l'appréciation des corps législatifs nationaux. Cette proposition n'a pas non plus vocation à harmoniser chaque détail du marché des prestations de service dans les États membres.
Ce qu’apporte finalement la dernière version de la Directive Services relative aux libertés d'établissement des prestataires de service et libre circulation des services dans le marché intérieur
Le compromis trouvé par les rapporteurs du Parlement supprime toute allusion au principe du pays d'origine.
Sont exclus du champ d’application de la directive les services financiers, les télécommunications, les services de transport, les services postaux, les soins de santé, les services sociaux liés au logement social, les services de puériculture et de soutien aux familles et personnes en difficulté, les activités liées à l'exercice d'une autorité officielle, les agences de travail temporaire, les services privés de sécurité, les jeux et les services audiovisuels.
Le compromis sur la directive maintient le principe de non-discrimination, c’est à dire l'obligation pour les Etats membres d'assurer un libre accès à leur territoire aux prestataires étrangers, avec l'interdiction de leur imposer des contraintes administratives discriminatoires et disproportionnés. Les prestataires étrangers devront en revanche respecter les règles du pays où ils effectuent leur travail, notamment en matière de droit social et de conventions collectives.
Cette nouvelle version permet cependant aux pays de restreindre l'accès à leur marché pour des motifs d'ordre public, de sécurité publique, de protection de l'environnement ou encore de santé publique.
Outre la liberté de fournir des services n'importe où dans l'UE, la directive services prévoit selon la Commission européenne :
- l’établissement d’une entreprise n’importe où dans l’UE : toute entreprise pourra remplir les formalités en ligne et par l’intermédiaire d’un point de contact unique. Les régimes d’autorisation seront plus clairs et plus transparents, tandis que la vérification de l’existence du « besoin économique » (procédure coûteuse imposant à une entreprise de prouver aux autorités qu’elle ne « déstabilise » pas la concurrence locale) ne sera plus permise. L’octroi des autorisations sera donc accéléré et les coûts pour les entreprises réduits ;
- une meilleure protection des consommateurs: les entreprises auront l'obligation de mettre à la disposition des consommateurs certaines informations clés et ne pourront pas défavoriser un consommateur pour des raisons de résidence ou de nationalité ;
- un meilleur contrôle des entreprises: les États membres devront renforcer leur coopération administrative afin d’assurer un contrôle amélioré et efficace des entreprises. D’un point de vue pratique, cette démarche passera notamment par un système électronique permettant aux autorités d’échanger des informations directement et efficacement.
Aux Etats de se débrouiller pour mettre tout cela en place, et pour assurer un contrôle, évidemment rigoureux; aux entreprises de se responsabiliser. Et aux consommateurs, donc, de leur faire confiance. Sic.