_________________

  • : Snapshots
  • : Instantanés épars d'actualité expérimentale
  • Contact

V comme visiteurs



personnes sur Over-Blog.
  visiteur(s) sur ce blog.

Snapshots, un blog à vocation informativo-réflectivo-divertissante

Vous trouverez  dans la rubric à brac (colonne de gauche !) :

  • Snapshots : Ou comment je pense en temps réel, et comment ça n'est pas toujours heureux (mais je vais m'améliorer). Et puis des mises en lumière.
    Coups de gueule, coups de coeur : mes petites indignations et mes grands enthousiasmes.
  • J'ai testé pour vous... : le récit de mes aventures; last update : Vipassana.
    Relai d'investigation : pour l'instant, Loose change - retour sur le 11 septembre : la synthèse non-exhaustive de mes pérégrinations sur le web.
  • 1001 idées - pour une révolution pacifiste : rubrique à visée coopérative. Creusez-vous la cervelle !
    La culture qui élève  : retours et réflexions sur des documentaires, notamment du Festival Internationational du Film des Droits de l'Homme
  • Vertitude : des idées pour agir au quotidien pour l'environnement, des informations.
  • Science en marche : innovations, enjeux, ratés et insolites.
    Politique(s) français(e) : le jour de gloire de la patrie n'est pas arrivé.
    Europe et pré-Europe : petites et grandes histoire(s) et préhistoire(s) de l'Europe
    Etats-des(Unis) : Outre-atlantique
    Mémos d'outre-monde : ailleurs aussi, le monde bouge.
  • Insolites et inutiles : le best-of des dépèches divertissantes et/ou inconsistantes
  • Albums photos - dans la colonne de droite. Voyages littéraires...

    La liste des articles est disponible
    ici.
    Vous voulez me contacter ? Clickez
    ici.
    Vous voulez être tenu au courant ? Inscrivez-vous à ma Niouzeletter.
    Et surtout, surtout, laissez-moi vos commentaires.

29 mars 2006 3 29 /03 /mars /2006 16:48

ANATOMIE DU MAL de OVE NYHOLM - 

Documentaire - Danemark - 89 mn (2005)


Monsieur Ove Nyholm est danois. Il avait décidé, dans sa lointaine jeunesse, que le monde avait atteint le degré zéro de la conscience avec l’holocauste. Il pensait que depuis, forts des pénibles leçons de l’Histoire, les occidentaux progressaient continuellement : ils s’étaient organisés en institutions et associations garantes du maintien de la paix et des libertés fondamentales, avaient peaufiné leurs systèmes éducatifs et leurs diplomaties en ce sens, croisé leurs économies, et le monde entier allait en prendre de la graine. Par conséquent, une nouvelle ère des lumières s’ouvrait pour l’humanité, et l’avenir ne pouvait qu’être rose.

C’était son petit arrangement avec lui-même, sa façon d’éluder ce questionnement lancinant qui lui vrillait le mental : comment des gens - en l’occurrence des allemands – éduqués, cultivés, esthètes pour beaucoup et chrétiens avaient-ils pu se transformer soudain en bourreaux sanguinaires ?

 Mais voilà, 1992, rebelote. En plein cœur de l’Europe, on se génocide à nouveau. C’est les guerres des Balkans et leur lot de massacres, de viols et de pillages. Et la question de revenir hanter notre réalisateur : d’où vient le pire en l’homme ? Comment un meurtrier de masse peut-il vivre avec ses souvenirs ?

Plus de petits arrangements possibles. Il faut se saisir de la question, la décortiquer. Or, qui pourra mieux lui répondre que ceux qui ont incarné le mal ? Il se rend en Allemagne, sur les traces des anciens nazis. Puis en Serbie, afin de s’entretenir avec des membres des milices paramilitaires serbes. Le travail d’approche est lent, et difficile. Les langues sont liées. Ils les dénouent, petit à petit. Et il en fait un film. C’est « l’anatomie du mal ».

On voit quelques images, de l’horreur, qui révoltent. De la violence gratuite. Plus loin que les ordres, parfois. Ils n'ont épargné personne. On retient quelques phrases :

Le réalisateur : « Et si c’était à refaire ? ».
Un paramilitaire serbe : « A quelques détails près, je ne changerais rien ».

Un ancien Commandant des Einsatz Gruppen (unités mobiles d’extermination) nazis, 3000 hommes répartis en 4 unités qui ont massacré 1,5 millions  de juifs dans les pays de l’Est pendant la seconde guerre mondiale, tente de nous attendrir. Il raconte qu’il demandait à ses soldats de ne jamais séparer les enfants de leur mère. Il fallait au contraire qu’elle les garde dans leurs bras. Pourquoi ?
PARCE QUE cela permettait qu’ils se tiennent plus tranquilles… et surtout, surtout, de les tuer tous deux d’un coup en une seule balle. Efficace et économique donc.

Comment peut-on à ce point se détacher de toute émotion ? Où sont passées, chez ces gens-là, la compassion, l’empathie, ou, à défaut, le sens de l’honneur, la morale ?

Ove Nyholm apporte quelques éléments de réponse.

La première fois, on tue parce que l’on doit.

Ca n’est jamais facile. Un milicien serbe compare cette première fois à une défloraison. Ca coûte, un peu : quelque chose comme la virginité de l’âme. On n’oublie jamais une première fois.

Les fois d’après, non. Les fois d’après, ça devient très facile. Et même, on y prend goût. On devient accroc. On se sophistique dans la terreur, dans l’horreur. On se spécialise. Parfois, même, on s’ennuie.

On s’attache à un sentiment de toute-puissance, à ce droit supérieur de vie et de mort sur son prochain. Alors, on joue à redonner espoir, et puis à changer d’avis. Parfois on épargne, c’est arbitraire.

On s’attache à la mort de l’autre. A cet instant fugace où l’étincelle de vie disparaît d’un regard.

On explore l’angoisse du condamné, qui se lit dans ses yeux, dans la sueur qui coule sur sa peau, dans tout le tremblement de son corps. Ca aide à le mépriser mieux.

On observe sa souffrance, quand celui qu’il aimait vient de tomber à terre. Son père, sa sœur, sa femme, son enfant.

On catégorise : il y a les bruyants, ceux qui hurlent et supplient, ceux qui s’excusent de rien, ceux qui négocient. Et puis les silencieux, pas plus respectables.

C’est eux qui le disent.

« Après, nous nous sommes saoulés, et c’est tout. »

Si l’acte en lui-même devient une formalité, qu’en est-il des remords, de la culpabilité ? Les grands bourreaux font-ils des cauchemars ?

Le même milicien nous explique qu’il n’aimait pas regarder ses victimes dans les yeux. Il se sentait gêné. Pas coupable, gêné. Comme s’il y avait une impudeur dans le fait d’observer la vie nue quitter un homme. On dit que les yeux sont le miroir de l’âme.

Ils n’y pensent pas souvent. Ils essaient de ne pas regarder en arrière. A demi-mot, on comprend qu’ils sont hantés. Pas forcément pas leurs victimes. Parfois, si.

Mais ce qu’ils regrettent le plus, c’est leur vie, leur personnalité d’avant. C’est le souvenir de ce qu’ils ne sont plus qui les hantent. Le souvenir de leur humanité perdue. D’un temps où pour eux la vie d’autrui avait un sens. Où ils jouissaient de petits bonheurs simples. Et c’est avec envie et jalousie qu’ils observent la foule de leurs congénères aux mains propres.

Le mal, pour Nyholm, c’est une entité extérieure, une personnalité, un habit de pénombre que l’on choisit d’endosser. Que l’on choisit…

Pourtant, si c’était à refaire, ils le referaient.

Le Kommander avait des ordres. Il ne pouvait pas y déroger, dit-il. Sans doute, il était aussi persuadé qu’une menace grave pesait sur l’avenir de l’Allemagne. De même, les serbes des milices étaient recrutés à grand renfort de plaidoyers sur l’avenir de la Serbie, d’histoires de persécution et de massacres par les adversaires. Au Kosovo, c’était « dix civils albanais massacrés pour venger un seul civil serbe».

 

Alors on comprend mieux pourquoi les femmes et les enfants aussi. Je suis allée fouiller sur le web pour confirmer mes hypothèses. Voilà ce qu’en en on dit des hauts dirigeants nazis, lors des procès de Nürnberg :

 

 « Je crois que c'est très simple à expliquer, si l'on part du fait que cet ordre visait non seulement à procurer (à l'Allemagne) une sécurité temporaire mais aussi une sécurité permanente. Dans cette optique, les enfants étaient des individus qui grandiraient et constitueraient sûrement, étant les enfants de parents qui avaient été tués, un danger non moindre que celui de leurs parents. »

Himmler lui-même :

« La question suivante nous a été posée: « Que fait-on des femmes et des enfants ? » - Je me suis décidé et j'ai là aussi trouvé une solution évidente. Je ne me sentais en effet pas le droit d'exterminer les hommes - dites, si vous voulez, de les tuer ou de les faire tuer - et de laisser grandir les enfants qui se vengeraient sur nos enfants et nos descendants. Il a fallu prendre la grave décision de faire disparaître ce peuple de la terre. »

 
Alors Nyholm a raison. Le fondement de toute autojustification génocidaire est bien celui-ci : “Ils doivent mourir pour que je puisse vivre”.

Et ce sont bien la peur, la menace ressentie qui sont à la source du mal.

Qu’aurions nous fait, nous ?

Y’a-t-il un terreau favorable à la folie meurtrière, dont nous serions exempts ?

Un milicien nous dit que chaque homme est un meurtrier en puissance. Qu’il existe en chacun de nous un mécanisme. Qu’il suffit d’appuyer sur un bouton, dans notre tête, pour l’enclencher. Pour que le mal devienne notre habit quotidien.

Parfois, c’est un évènement extérieur qui le déclenche. Voir mourir des être chers. Tout perdre. Devoir tuer une première fois.

La justification, si elle ne préexiste pas à l’acte, peut-être, vient a posteriori. Pour pouvoir vivre avec.
Partager cet article
Repost0

commentaires

O
Merci Racoon !Pour plus d 'information sur l'expérience de Milgram, allez voir http://1libertaire.free.fr/Soumission05.htmlVous verrez c'est édifiant !
Répondre
R
O_o pas vu le documentaire, mais ça avait l'air pour le moins dérangeant !Ca me fait penser à l'expérience de Milgram (rendue célèbre par le film "I comme Icare", avec Yves Montand) illustrant la manière dont un sujet peut se plier aux injonctions d'une autorité afin de faire souffrir un cobaye.Plus d'infos sur cette expérience là : http://fr.wikipedia.org/wiki/Exp%C3%A9rience_de_Milgram
Répondre
O
Ci-mer Gaby ! ;)J'ai suivi la plupart du débat, sinon comment aurais-je su qu'il s'était interrogé bien avant, le degré zéro de la conscience, les lumières, tout ça. Mais je suis partie quand les gens ont commencé à poser des questions redondantes, du style "mais pourquoi, pourquoi, pourquoi ???".Pour la peur et la menace, il me semble que j'en parle. Et je pose la question : et nous qu'aurions nous fait ? sur la capabilité à NE PAS tuer.Bisous.
Répondre
G
ça m'a fait du bien de lire ton article, je trouve géniale la façon dont tu as su le décortiquer. on ne t'a pas vu en sortant, as tu suivi le débat? le réalisateur n'a cessé de parler de "peur" et de "menace" qui justifierait l'acte de tuer, la barbarie et pour simplifier il ne saura jamais si il serait capable de tuer et de retuer tant qu'il n'est pas passé à l'acte. peut-être aurait tu pu décrire un peu plus l'atmosphère du film, mais tu es bien partie, go on!!!
Répondre